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Pour que vieillir soit positif !

Pour que vieillir soit positif !

Par Maya Ruel, stagiaire du programme des communications au Cegep du Vieux-Montréal


Prendre de l’âge comporte déjà son lot de défis. Vieillir alors qu’on vit avec le VIH en rajoute, alors qu’on sait que les personnes vivant avec le VIH font encore face de nos jours à beaucoup de stigmatisation.


C’est pourquoi Maison Plein Cœur a mis sur pied un projet d’intervention à domicile concernant les personnes âgées de 55 ans et plus vivant avec le VIH.

Isabelle Dicaire est intervenante à domicile ainsi que l’instigatrice du projet. Elle explique que le vieillissement chez les PVVIH peut entraîner des problèmes de santé plus importants ou plus précoces que chez la moyenne des gens, ce qui signifie que, fréquemment, les soins réguliers pour les ainé.e.s sont insuffisants. C’est pourquoi elle prend son rôle très à cœur : elle accompagne, soutient, brise l’isolement de ceux qui en ont besoin. « Mon travail, c’est d’être une présence, de leur dire : tu n’es pas seul, tu as du support », explique-t-elle. Elle aide les personnes vieillissantes à développer un sentiment d’appartenance et un sens de la famille à Maison Plein Cœur. Isabelle offre de l’assistance dans plusieurs événements de la vie : le déménagement, la recherche d’un logement, la gestion des tâches administratives, le ménage, l’organisation du temps et de l’espace, les préarrangements funéraires, etc. Isabelle est attentive et dévouée. Elle est une source d’encouragement et ne laisse personne baisser les bras, mais elle s’implique lorsque nécessaire dans les soins de fin de vie.

« On veut qu’ils développent une attitude positive face au vieillissement », déclare Isabelle. Le but ultime du projet est de rendre la vie des personnes vieillissantes plus facile, de les aider à préserver leur santé mentale et physique.

En raison de la COVID, l’isolement peut être encore pire qu’à l’accoutumée pour les PVVIH vieillissantes. Le travail d’Isabelle importe plus que jamais. « Parfois, il s’agit simplement de faire des appels d’amitié et de prendre des nouvelles des personnes que j’accompagne, surtout si ces personnes sont malades ou traversent une période plus difficile », explique-t-elle.

Gregg Rowe est un homme bénéficiant du nouveau programme. Il vit avec le VIH depuis plus de 35 ans. En 1987, l’année où le diagnostic est tombé, il s’agissait d’une sentence de mort : le médecin lui a annoncé qu’il ne lui restait pas plus de 6 mois à vivre. À l’époque, il y avait très peu de recherche sur l’infection et il n’existait aucune médication. Il fût un temps où Gregg assistait à des funérailles chaque jour, perdant sans cesse des gens de sa communauté. Or, Gregg vient d’entamer la soixantaine en parfaite santé. Même si le VIH est moins mortel de nos jours, il est catégorique : il est toujours aussi important d’en parler, de faire de la prévention et de ne jamais oublier tous ceux et celles qui y ont perdu leur vie. « Les gens ne réalisent pas toute l’ampleur que ça avait à l’époque », dit-il. « Je me souviens du passé pour que nous puissions avancer et réparer les erreurs qui ont été commises ».

Depuis son diagnostic, Gregg est un fervent activiste au sein des PVVIH. Il s’implique énormément dans sa communauté. À Maison Plein Cœur, il est responsable de la « ruche artistique » qu’on appelle Zone +, un endroit qui permet aux membres de créer de l’art et de s’exprimer. Selon Gregg, la créativité est la clé du bonheur et de la guérison. Pour lui, l’art est thérapeutique; c’est ce qui lui a permis de passer à travers les épreuves et de mieux vivre avec le VIH. Il a aussi publié deux livres de poésie, car il trouve dans cette forme d’art un exutoire pour ce qu’il ressent.

Il y a quelques années, Gregg a perdu la personne qu’il décrit comme son âme sœur, avec qui il a partagé sa vie durant 35 ans. Avec ce décès, il a également perdu sa maison. Maison Plein Cœur lui a permis de se trouver un nouveau logement et l’a accompagné dans son deuil. Il dit avoir reçu énormément de soutien. C’est pourquoi il lui tient tant à cœur d’être impliqué au sein de sa communauté : « J’ai énormément reçu, et à présent, je veux redonner. » Il est conscient de la chance qu’il a d’être en forme, mais sait également que ce n’est pas le cas de tout le monde : c’est pourquoi il trouve le programme d’accompagnement des personnes vieillissant avec le VIH primordial.

Gregg suit présentement des cours à Concordia à temps perdu et compte étudier encore durant de nombreuses années. Il a plusieurs projets créatifs en branle pour le futur. Il est très reconnaissant envers sa communauté et les organismes tels que la Maison Plein Cœur qui l’ont épaulé tout au long de son parcours et qui lui ont permis d’être encore ici aujourd’hui, avec une telle joie de vivre et une telle sagesse. Il envisage le futur de manière positive et la perspective du vieillissement ne l’inquiète pas : il se sait bien entouré et supporté par la Maison et le programme d’accompagnement.

Claudia Medina bénéficie également du programme. Âgée de 55 ans, elle vit avec le VIH depuis 2009. « J’ai eu bien de la misère à l’accepter. Je me suis cachée longtemps. » Maison Plein Cœur et les membres de la communauté l’ont aidée à changer sa perception d’elle-même et de la maladie. « Avant, je voulais que personne le sache, surtout pas à la job. Je me sentais mal quand quelqu’un le savait. J’ai changé ma façon de voir les choses. Dans le fond, j’ai rien fait de mal. »
L’expérience de Claudia est particulière parce qu’elle est une femme. La plupart des membres de la communauté de Maison Plein Cœur sont des hommes, ce qui, au départ, l’avait découragée de s’y intégrer. À présent, elle fait non seulement partie de la communauté, mais elle y est également très impliquée, particulièrement dans le but de créer une plus grande place pour les femmes au sein de l’organisme.

« Il n’y a pas beaucoup de femmes, la majorité c’est des hommes. Je me suis dit que les femmes, quand y a des hommes, elles vont peut-être parler moins. Je me dis que la femme aurait peut-être moins de misère à parler entre femmes. J’ai poussé, et cet été, il va y avoir le premier caucus depuis longtemps juste pour les femmes. »

Claudia a trouvé une véritable famille au sein de Maison Plein Cœur. Ayant traversé son lot d’épreuves, elle dit avoir voulu mourir lorsqu’elle a appris le diagnostic séropositif. Grâce à l’accompagnement et au soutien qu’elle a reçus, elle s’est relevée et a complètement changé le cours de sa vie.

« Je me suis dit, à 50 ans, je pense que je mérite un peu de bonheur, un peu de douceur, un peu de légèreté. Mes cheveux blancs, il faut bien qu’ils servent à quelque chose », dit-elle en riant. Elle s’est trouvé un but, une raison de vivre. Elle retournera bientôt aux études afin de faire une technique juridique. « Dans la vie, c’est toi qui choisis, c’est toi l’artisan de ta vie. » Claudia non plus n’appréhende pas le vieillissement, ou du moins, plus autant qu’avant : elle sait qu’elle est accompagnée. Elle se sent en sécurité et valorisée à Maison Plein Cœur.