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Indétectables : un roman de Dan Lelièvre

Indétectables : un roman de Dan Lelièvre

Par Maya Ruel, stagiaire en communication, Cégep du Vieux Montréal

Maison Plein Cœur est plus que fière de Dan Lelièvre qui fait partie de notre communauté depuis très longtemps et qui vient de publier son premier roman.

Indétectable(s) ou le jour où le sperme de vieux Poz est devenu vintage, le nouveau roman de Dan Lelièvre, est le fruit de plusieurs années de dévouement et de recherche du « mot juste ». Un roman qui donne une voix à la communauté des PVVIH, un appel à la visibilité, un testament d’activiste désillusionné, une dénonciation de la société moderne; tout cela en 380 pages.

Dan Lelièvre vit avec le VIH depuis 40 ans, ce qui fait de lui l’un des plus anciens survivants de ce virus. Il fait partie de la première génération de PVVIH, tout comme le personnage principal de son roman. Malgré ce point commun, l’ouvrage reste une œuvre de fiction, bien qu’il l’ait écrite en s’inspirant de sa propre expérience. L’idée d’écrire ce roman le tarabustait depuis un moment déjà : il désirait partager la perspective d’une personne âgée vivant avec le VIH, ayant l’impression que cette partie de la communauté avait été oubliée avec l’avènement de la médication allégeant les effets du virus.

« On était rendu has been, on n’était plus dans l’ère du temps », explique-t-il avec une pointe d’humour. « J’ai été un activiste, j’ai été de tous les combats, j’étais là au début de Plein Cœur. J’ai vu de mes yeux à peu près tout ce qui s’est passé dans le milieu. »

C’est un sentiment de désarroi qu’il ressentait face à l’invisibilité de sa « cohorte » qui l’a poussé à écrire un livre.


Ce livre prend place aujourd’hui, malgré des épisodes qui ramènent au passé; ce n’est pas un roman linéaire. Le passé et le présent se chevauchent. C’est un constat de la société d’aujourd’hui de la part de l’auteur. Le titre est inspiré à la fois du fait que les survivants du VIH sont de nos jours laissés pour compte, ignorés, tout en faisant référence au fait que grâce aux traitements anti-VIH, il est maintenant possible de rendre le virus indétectable dans le sang. Le « S » entre parenthèses signifie qu’il existe plus d’une façon de vivre la solitude, de vivre ce sentiment d’indétectabilité au sein de la société. L’image de la couverture est un cachalot, dit « sperm whale » en anglais, puisque c’est une espèce en voie de disparition, tout comme le vétéran VIH. « Le roman est aussi le drame des animaux. Il y a un parallèle entre la souffrance animale et la souffrance humaine », explique Dan.

Le roman est truffé de références artistiques. L’auteur s’est inspiré d’un tableau de Van Gogh, sur lequel était représenté un poète éclairant la nuit étoilée. Ainsi, il y a de nombreuses références à l’univers au fil des pages : on parle de trous noirs, de galaxies… « L’élaboration du contexte romanesque s’est faite à partir du tableau. Sachant que Van Gogh avait longtemps correspondu avec son frère, j’ai élaboré un personnage qui essaie de raconter à lui-même ainsi qu’à son frère toutes les raisons pour lesquelles il reste debout, malgré les intempéries de sa destinée », explique l’auteur.

Le livre compte 42 chapitres, un clin d’œil aux 42 autoportraits de Van Gogh. Dan a également eu recours au langage cinématographique, incluant occasionnellement des fondus au noir entre ses chapitres, ou encore en incluant dans le roman un dialogue à la manière de Tarantino : « J’avais cette volonté de faire exploser le narratif. Le personnage séropositif a déjà été représenté dans des œuvres de fiction, mais je trouvais que c’était toujours “documentaire” Moi, je voulais aller plus loin, et comme j’étais fanatique de cinéma, j’en ai profité », explique-t-il.


Les genres se mélangent dans ce roman : un certain mystère lui confère des allures de polar, tout en comportant des éléments de quête existentielle. Il y a une touche d’humour aussi, « un humour très noir, mais tout de même approprié ». Le combat contre le VIH est dépeint comme une grande guerre, la première, et le protagoniste, quant à lui, est un soldat, ce qui ajoute une touche historique au tout. La crise de la crystal meth, qui est, selon Dan, la nouvelle pandémie au sein des PVVIH, est pour sa part décrite comme la Seconde guerre. Ainsi, beaucoup de vocabulaire militaire est intégré au roman : on y parle de tranchées, de combats. La version numérique comporte des liens URL qui mènent à des extraits de films, des moments musicaux et plus encore, autant d’éléments qui complètent le texte. Dans la version papier, les liens sont tout de même présents, et aux yeux de l’auteur, ils représentent des cicatrices, puisque le livre raconte l’histoire d’un survivant.

Dan Lelièvre lors du lancement de son roman (Photo: Serge Blais)

« Le roman, c’est peut-être mon testament d’activiste, c’est-à-dire le deuil de mon idéalisme, parce que je me suis rendu compte que l’idéal auquel on tendait, on ne l’aura jamais. » L’œuvre témoigne d’une désillusion de la part de Dan. Il prétend que c’était son dernier mot, son dernier geste de résistance. Il accepte la réalité de sa situation de vétéran du VIH et sent qu’il a fait tout en son pouvoir, à la suite de la publication de ce roman, pour faire avancer les choses. Le message qu’il espère véhiculer grâce à son œuvre, c’est qu’il est possible de ressortir plus fort d’un moment de faiblesse et qu’il est important de s’unir, de se soutenir les uns les autres. Il souhaite que le livre rejoigne à la fois les membres de sa communauté, mais également tous ceux qui n’en font pas partie, afin de donner une voix « à ceux que nous n’entendons pas ».

Pour vous procurer son livre : https://essor-livresediteur.com/boutique/fr/dan-lelievre/indetectable-s-dan-lelievre-p1776m938/